
L’année 2018 sacre les séries au rang de culture artistique à part entière, ce couronnement annonce-t-il la mise à pied du cinéma ?
Un 8ème art est né!
Depuis peu, même le cercle fermé des critiques de cinéma a ouvert un œil intéressé (une demi-paupière d’abord) sur l’univers en expansion des séries. Les plus grands magazines cinéphiles ne tarissent pas d’éloges pour le réalisme de Happy Valley, les moyens techniques grandioses de Games of thrones (15 millions de dollars par épisode de la saison 8) ou l’atmosphère intimiste de The Killing. D’ailleurs, Twin Peaks de D.Lynch est classé n°1 des Cahiers du cinéma en 2017 devant de grands films de cinéma Art et Essai. Cette référence de la Critique cinématographique commente ainsi cette nouvelle respectabilité des séries : « D’un point de vue esthétique, le plus spectaculaire est le désir de longueur. Un cinéaste peut voir dans la série l’occasion d’un « très long métrage », d’une exploration de la durée. »
On aborde les séries sous l’angle de l’analyse, des partis pris et de la mise en scène. Même le magazine Première consacre une rubrique entière à l’actualité des séries…
La confusion des genres
En d’autres temps, des années 50 aux années 2000, les acteurs tentaient de s’extirper des soaps insipides pour gagner leurs lettres de noblesse sur grand écran. On assiste aujourd’hui à un mouvement contraire où l’apparition de Colin Farell (True Detective), de Glenn Close (Damages) ou de Kevin Spacey (House of cards) renforce désormais leurs notoriétés.
En France, ce phénomène atteint son paroxysme avec la série Dix pour Cent qui cartonne avec des guest stars telles que Monica Bellucci, Isabelle Adjani ou Joey Starr.
Par ailleurs, le public délaisse la télévision traditionnelle au profit des écrans numériques. Le site de streaming Netflix, grand pourvoyeur de séries, explose tous les records d’audience (7,4 millions d’abonnés supplémentaires entre janvier et mars de cette année).
La concurrence tente vainement de s’imposer. D’ailleurs, Disney « en personne » crée sa propre plateforme de streaming et compte la lancer en 2019. Des productions du monde entier (Espagne, Allemagne, Norvège, Australie…) débarquent dans nos foyers. Les grands réalisateurs, acteurs ou scénaristes oscillent désormais entre le vénérable 7ème art et les séries TV, longtemps reléguées au rang de sous-genre insignifiant : les catégories se confondent.
Match nul
Alors, le petit écran d’ordinateur ou de téléviseur aura-il raison des salles de cinéma ? Cette nouvelle donne annonce-t-elle la mort du Grand Cinéma ?
Rassurez-vous, la réponse est un grand NON, la fréquentation des salles ne s’est jamais aussi bien portée :
«Après une année 2016 particulièrement élevée, la fréquentation des salles de cinéma en 2017 atteint 209,2 millions d’entrées (-1,8 %), soit le 3ème plus haut niveau depuis 50 ans et très au-dessus de la moyenne des dix dernières années (205 millions). Pour la quatrième année consécutive la fréquentation des salles de cinéma franchit les 200 millions. Ainsi, la fréquentation en France demeure en 2017 la plus élevée d’Europe. » (source CNC )
De là à en déduire qu’une émulation est née, que les sérivores deviennent des cinéphiles et vice et versa : il n’y a qu’un pas, que je franchirais volontiers.
Angélique PROGRI